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Sant’antone a a riventosa

Ricordi.

Le 17 Janvier, c’est le jour de Saint Antoine, fête patronale de Riventosa. Toute la journée, les activités professionnelles étaient arrêtées sauf, bien entendu pour ce qui concerne le bétail.

I Riventusani ont toujours eu une grande vénération pour SANT’ANTONE DI MEZU GHJENNAGHJU. Notre grand oncle, Ziu Noratu nous racontait que vers la fin du 19″~ siècle, à la suite d’un printemps et d’un début d’étés très secs, un violent incendie ravageait les alentours du village. Les fidèles, en procession, ont porté la statue du Saint jusqu’aux limites du possible tbce au brasier tout près des flammes ; le vent a alors tourné et les maisons ont été épargnées.

Mais revenons au jour de la fête :
Le matin vers dix heures, arrivaient des villages voisins des visiteurs, la plupart par dévotion et quelques uns en quête d’un bon repas ou d’un bon coup à boire. Quand ils s’approchaient des maisons, on les entendait répéter plusieurs fois : « BONA FESTA, BONA FESTA ». Les maîtresses de maison étaient aux fourneaux depuis longtemps et allaient se surpasser : cabri en sauce et lasagne ou une daube avec pulendina di granone, ou simplement de gros haricots Soissons au figatellu è panzetta ; et pour terminer, fiadone ou beignets au brocciu.

Pendant que les femmes s’activaient en cuisine, les hommes endimanchés devisaient sur la place par petits groupes. Et puis les cloches appelaient à la messe, c’était a ciccunata.
Rien que pour entendre  a Ciccunata di a Riventosa, cela valait le déplacement. Les trois cloches : « a ciccona, a mezana è a chjuca» avaient été harmonisées par des fondeurs hors pair. Les connaisseurs disent que ce sont les meilleures cloches de la région. Il faut dire aussi qu’en ce temps là, il y avait au village des carillonneurs experts en la matière qui savaient faire chanter les cloches.

Cela commençait la veille au soir après la dernière neuvaine ; le jour de la fête, on reprenait la série des trois sonneries avant la messe et l’après midi pendant tout le temps de la procession. Ce jour là, l’abbé Mariani, curé de la paroisse, invitait le chanoine Lucchini, curé de Serraghju, l’abbé Battesti, curé de Lugu et celui de Poghju, l’abbé Bernardini ; il y avait quelquefois celui qu’on appelait u missiunariu, le père Cherens, venu d’ailleurs.

A la messe, M. Paul Guittet-Vauquelin (famille Guittet-Vauquelin, écrivains et historiens), du domaine de Petraghjolu, tenait l’harmonium avec maestria tandis que la partie chantée était assurée avec honneur et bonheur par les jeunes femmes et les jeunes filles du village.

A la fin de la messe. i panucci di Sant’Antone étaient distribués à profusion à toute l’assistance. Les personnes âgées les emportaient à la maison pour qu’ils assurent la protection des personnes et des biens mais les gamins les croquaient tout de suite à belles dents.

Après la messe, les visiteurs étaient invités au hasard des rencontres et des sympathies ; chez nous, il n’y avait jamais de Sgio du canton, mais mon père ramenait toujours outre son cousin Carl’Andria de Poghju, dont la présence n’engendrait pas la mélancolie, quelques «non endimanchés» dont visiblement personne n’avait voulu. Plus tard. lorsque ma mère n’était plus là, et malgré les difficultés de la vie, il y avait quand même une assiette pour «l’étranger».

Au cours de I’ après midi, avait lieu la procession dans les rues du village avec la statue du Saint. Il était d’usage de procéder à des enchères pour avoir l’honneur de porter la statue. Cela s’appelait « luttà a stanga », chaque barre du socle où était posée la statue était mise aux enchères. Cela se passait dans une ambiance bon enfant. il y avait toujours quelques réparties des uns et des autres.

Je me souviens de celle de l’abbé Battesti que l’on appelait affectueusement « u pretucciu », réflexions pleines de finesse et de gentillesse, lorsqu’il interpella une villageoise qui, à défaut de deniers, avait la langue bien pendue : « Avanza o Farchetta è fatti onore chi averei a stacca farrata ». Elle avait la poche bien garnie. La dame ne répondit rien, vu l’endroit et les circonstances mais . . . En général, le montant des enchères ne dépassait guère 40 ou 50 francs par stanga, mais un jour, c’était en 1935, l’année des élections municipales, on sentait qu’il allait se passer quelque chose ; il y avait de l’orage dans l’air ; on passa tout de suite à un prix total pour les quatre stanghe. Deux « lutteurs » étaient en présence. Finalement, l’un d’eux l’emporta pour « mille frachi è quattru stanghe ». C’était une belle somme pour l’époque. En 1940, c’était la guerre, les  hommes jeunes et moins jeunes étaient mobilisés ; on jugea qu’il n’était plus convenable « di luttà a stanga » . Cela n’a plus été repris depuis.

Aujourd’hui, la population traditionnelle locale s’est fortement amenuisée, le mode de vie s’est modifié, la profession agropastorale a pratiquement disparu ainsi que l’artisanat : menuisiers, cordonniers, maçons, meuniers, charretiers. Il était facile autrefois à tout ce petit monde de prendre la journée de Sant’Antone même si c’était en semaine, sans avoir à demander la permission à un patron ou à un chef de service. Pour les enfants de l’école, c’était congé grâce à ce qu’on appelait la journée du maire.

Maintenant, les cérémonies religieuses n’ont plus le faste d’antan ; le coté festif de l’époque est devenu une banalité. Le caractère folklorique de « lutta a stanga » a disparu. Alors le charme est rompu : a part quelques   « rescapés » de ces périodes homériques, la plupart de nos concitoyens ne peuvent savoir ce que cela nous apportait.

Passe le temps et passent les gens, quand on pense à ceux, nombreux, parents et amis que l’on a connus, qui sont partis l’un après l’autre et qui dorment alignés l’un près de l’autre, on a l’impression d’avoir vécu plusieurs fois cent ans.  Il ne faut surtout pas désespérer pour la génération montante, les jeunes sauront trouver la meilleure façon de vivre en paix et de s’aimer.

C’est ce qu’un vieux « Riventusanu » leur souhaite.

Aiacciu, Maghju 11 2002.

Augustin CASANOVA.

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